mardi 23 avril 2024

Les fils de Shifty

 

Mike Hardin est de retour pour mon plus grand plaisir. On l’avait quitté bien abîmé, loin de son épouse sur le point d’accoucher, et préférant donner le coup de main à sa sœur Linda, Shérif du comté.

Cette fois, il va mieux, il a bien récupéré de ses blessures, et il vit les derniers jours de convalescence avant de regagner sa base militaire. Sa vie sentimentale n’a en revanche pas fait de progrès ; il s’est juste rendu à l’évidence que son mariage est mort, et signe, enfin, les papiers du divorce avant de repartir à sa vie de soldat. Si son mental est meilleur, il n’en reste pas moins secoué par beaucoup d’épreuves ; vivre aux côtés de sa sœur lui fait le plus grand bien. D’autant que coup sur coup deux des fils de Shifty sont retrouvés morts. Les deux lascars sont loin d’être des enfants de cœur, seul l’ainé semble avoir bien tourné et a quitté les collines pour aller vivre sa vie loin, et à l’abri des ragots et des médisances ; mais comme Mick et Shifty se respectent, cette dernière lui demande de tirer l’affaire au clair et de retrouver le ou les assassins. Il faut dire que Linda, le shérif a d’autres chats à fouetter ; en effet les élections approchent, et il lui faut convaincre un à un les habitants du comté à lui renouveler leur confiance pour un second mandat. Policier, sans aucun doute, mais également politique jusqu’au bout des ongles : il ne lui faut négliger aucun patronage, aucune tombola, refuser aucun petit-déjeuner… Alors pendant que Madame le shérif fait campagne, Mick fouille, creuse, cherche, réfléchit, consulte, écoute, observe…. A son rythme, sans rien négliger, il avance, sort les muscles quand nécessaire. Avant de partir, il veut résoudre cette affaire, sans oublier de militer pour sa sœur, évidemment !

Chris Offutt n’est pas un auteur qui a l’habitude de bousculer son lecteur. Au contraire, avec lui, le lecteur sait qu’il va pouvoir s’imprégner de tout ce qui l’entoure. Ici, ce sont les collines du Kentucky, les forêts, les vielles mines désaffectées où il se passent parfois de drôles de choses. On prend également le temps de d’appréhender les personnages, et cette ruralité complètement oubliée et ses laissés pour compte.

Le propos est magnifiquement traduit, sans grandiloquence, mais souvent avec poésie, humour ou piquant, selon les moments. On ne reste pas indifférent à l’univers de Chris Offutt, en tout cas pour ce qui me concerne, je l’ai définitivement adopté, et ce sera avec grand plaisir que l’accueillerai son prochain opus !

Les fils de Shifty de Chris Offutt, traduit de l’américain par Anatole Pons-Reumaux, aux éditions Gallmeister (Janvier 2024, 280 pages)

Chris Offutt est un écrivain américain de roman policier né dans le Kentucky en 1958 .

Fils de l'écrivain Andrew J. Offutt (1934-2013), il suit les cours de l'Université d'État de Morehead. Diplômé, il entreprend un voyage à travers les États-Unis et exerce différents métiers pour vivre.

Il publie, en 1992, un premier recueil de neuf nouvelles, intitulé "Kentucky Straight", qui dépeint le quotidien rural du Kentucky.

Il commet par la suite deux romans semi-autobiographiques: "Le Fleuve et l'Enfant" ("The Same River Twice", 1993) et "Les hommes ne sont pas des héros" ("No Heroes: A Memoir of Coming Home", 2002), un roman de fiction: "Le Bon Frère" ("The Good Brother", 1997) et un second recueil de nouvelles: "Sortis du bois" ("Out of the Woods", 1999).

En 2018, il publie son deuxième roman, "Nuits Appalaches" ("Country Dark").

Principalement connu pour ses romans et ses recueils de nouvelles, il a également collaboré, de manière épisodique, comme scénariste à plusieurs séries télévisées américaines dont "True Blood" (2008), "Weeds" (2009) et "Treme"(2012).

Dans la saga Mike Hardin, il publie en 2022 Les gens des collines et en 2024 Les fils de Shifty .

En parallèle à sa carrière d'écrivain, Chris Offutt a été professeur dans plusieurs universités américaines et a collaboré avec différentes revues et journaux américains (New York Times, Men's Journal …).

 

lundi 22 avril 2024

Incandescentes

 


Nous sommes dans le courant du 19ème siècle dans ce qui était alors la Prusse, un royaume désormais démantelé du nord-est européen.

Dans un tout petit village vivent quelques familles protestantes archi-pieuses et résistant tant bien que mal à un protestantisme moins exigeant. Entre la Bible, la morale, et les corvées familiales, il n’y a guère de distractions. L’avenir des filles est dans le mariage, la maternité et surtout la piété, l’obéissance et la sagesse. Hanne est adolescente à cette époque, elle a du mal à trouver sa place dans cette société étriquée et rigoriste ; elle peine à intégrer le destin que sa famille lui promet.

Sauf qu’un jour, arrive dans le village Thea et sa famille arrive au sein de cette communauté. Et c’est le coup de foudre…Deux âmes sœurs !

A cette époque, les luthériens sont persécutés par les calvinistes, et à la faveur d’une décision du Roi de Prusse, les luthériens sont autorisés à émigrer. Ce sera l’Australie où les luthériens décident de tout quitter pour aller y fonder une colonie où ils pourront vivre leur foi comme ils l’entendent.

Le roman se passe à la fois en Prusse, en mer puis en Australie. Mais l’originalité réside dans le fait que la narration se fait à deux voix ; celle d’Hanne dans un premier temps, puis celle de son fantôme dans un second temps. On passe de l’une à l’autre sans effort d’adaptation, presque naturellement.

Hannah Kent aborde sous deux angles la passion, les amours interdites, l’emprise biblique, la laborieuse conquête du nouveau monde et de la liberté.

On quitte difficilement les personnages décrits avec acuité, tant l’écriture de ce roman est lumineuse.

Incandescentes d’Hannah Ket, traduit de l’australien (anglais) par Sarah Tardy aux éditions Presses de la cité.

Hannah Kent est une auteure australienne.

Elle a fréquenté la Heathfield High School et a obtenu son doctorat (Ph.D.) de création littéraire à l'Université Flinders à Adélaïde, où elle a également donné des cours d'anglais et d'écriture.

En 2010, Hannah Kent est cofondatrice et rédactrice en chef de la revue littéraire australienne "Kill Your Darlings".

Elle s’est fait connaître avec "À la grâce des hommes" ("Burial Rites", 2013), son premier livre, basé sur une histoire vraie, salué dans le monde entier par une critique unanime et couronné de plusieurs prix littéraires.

"Incandescentes" ("Devotion", 2021) est son troisième roman après "Dans la vallée" ("The Good People", 2016). Pour l'auteure, c'est "un retour à la lumière après deux livres axés sur l'obscurité".

Depuis 2021, Hannah Kent vit à Adélaïde avec sa femme et leurs deux enfants.